Revue ëlectronique
Texte et Corpus
ISSN 1958-5306
Sous la direction de
Geoffrey Williams
© Les auteurs pour les textes
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IMPRESHS
Impacts de la recherche dans les SHS : ëtudes de cas en
Bretagne
Si le caractère essentiel de la
recherche dans les SHS est
incontestable, la rëcente concentration sur les retours ëconomiques
liës aux avancëes technologiques de la science appliquëe a menë à une
vëritable dësaffection du domaine. En effet, alors que les SHS ont ëtë
à l'origine des universitës europëennes, et que le savoir qui ëmerge
des modèles de recherche de la discipline attire de nombreux ëtudiants,
leur financement et leur reconnaissance sont en ëvident recul. Pour ne
donner qu'un exemple, jusqu'à une date très rëcente leur inclusion dans
le nouveau programme cadre europëen « Horizons 2020 » ëtait
incertaine. Des interventions ënergiques, parmi lesquelles celle de la
Ligue of European Research Universities (v. LERU, june 2012), ont menë
à la correction de cette omission, mais la recherche menëe par les
spëcialistes des SHS reste perçue comme un auxiliaire des sciences
exactes ou des sciences de la vie. Cette attente est particulièrement
frappante dans le cas des humanitës1, dont le financement europëen est
quasi inexistant, et qui, loin de pouvoir proposer des projets sur
leurs propres thëmatiques et sujets, sont plutôt censëes s'intëgrer
dans des ëquipes issues d'autres disciplines (v. Galleron and Williams,
2012).
La situation n'est pas forcëment meilleure à l'ëchelon national.
Considërant que la recherche dans les SHS, et plus particulièrement
dans les humanitës, est caractërisëe par une forte relation à une
langue et une culture en particulier, la Commission europëenne renvoie
leur financement à chaque pays de la communautë, mais des pressions
sont exercëes, conjointement, pour l'ouverture d'une partie de ces
fonds nationaux au financement de projets sur des thëmatiques dëfinies
au niveau supranational. En regardant plus particulièrement la France,
il peut être constatë que les chercheurs dans les SHS en gënëral et
dans les humanitës en particulier sont confrontës à trois types de
problèmes :
le montant des fonds disponibles ;
- le très faible degrë de diversification des financements
possibles,
notamment pour les projets d'envergure (l'ANR en position de
quasi-monopole des financements, à la diffërence de la situation de
pays comme l'Italie ou l'Espagne) ;
- la tendance des appels à projet à dupliquer les thëmatiques
dëjà
couvertes par les appels europëens, qui se double d'une mise en
question actuelle des « appels blancs » (pour des raisons de
difficultës d'ëvaluation ëquitable de projets extrêmement diffërents
par leur sujet, leur envergure et leurs buts).
La raison de cette double marginalisation de la recherche dans les SHS,
en dëpit d'efforts mëritoires et notables de la remettre au cœur de la
politique scientifique (v. « Stratëgie nationale pour la recherche
et l'innovation », 2009), peut être cherchëe dans ses
spëcificitës. Ses liens aux cultures nationales, mais aussi la plus
forte proportion des livres dans les supports plëbiscitës par les
chercheurs de ces disciplines, expliquent l'absence d'un « noyau
dur » de përiodiques à reconnaissance mondiale, susceptibles de
fournir une base de travail pour des travaux bibliomëtriques (v. Martin
et al., 2011). Plus individualistes, les travaux effectuës ont plus de
mal à être reconnus au niveau international, face à des stratëgies de
dissëmination de plus en plus professionnalisëes mises en place par de
grandes ëquipes. Et surtout, dans un contexte de crise, entraînant une
tendance à la rëduction des dëpenses publiques, et compte tenu de
l'attention accrue des ëlus au « retour sur investissement »
pour les financements consentis, la perception plutôt confuse de
l'impact des SHS joue en dëfaveur d'un vëritable soutien à ce type de
recherche. Lorsqu'il s'agit de renforcer l'économie, l'industrie du jeu a un rôle important en créant des emplois spéciaux et uniques. Les sites de paris en ligne sont susceptibles d'améliorer le marché des jeux d'argent en ligne en suivant les tendances technologiques.
Il devient dès lors essentiel de pouvoir faire la preuve de la
« valeur ajoutëe » de la recherche dans les SHS pour la
sociëtë en gënëral. Diffërentes initiatives ont vu le jour, en ce sens,
dans plusieurs pays de l'Europe. En schëmatisant, il peut être avancë
qu'elles se sont dëveloppëes face à deux types de demandes :
- le besoin d'affirmer la place des SHS dans un contexte
concurrentiel
d'allocation des fonds (v. rapport « Punching our
Weight » par la British Academy), ou plus largement dans le cadre
du changement des perceptions et attentes quant à l'enseignement
supërieur et la recherche (v. la mise en place du Standard Evaluation
Protocol aux Pays Bas, ou les affirmations prëliminaires du projet
« Fostering and measuring 'third mission' in HEIs »)
- la nëcessitë de nourrir les ëvaluations ex-ante et ex-post
des projets
de recherche, surtout là oû les critères d'attribution accordent une
place très importante au plan de dissëmination des rësultats (1/3 de la
note attribuëe aux propositions reçues dans le cadre du 7e PCRD).
La tradition culturelle de la France, ainsi que les rëcentes ëvolutions
rapides et plutôt chaotiques des protocoles d'ëvaluation des
institutions et laboratoires, ont limitë jusqu'à prësent la prëgnance
de la demande d'une « justification sociale » de la
recherche. Cependant, la place accordëe, dans les « fiches
uniques » d'activitë des chercheurs du CNRS, au recueil
d'informations quant aux activitës de valorisation, transfert et
vulgarisation, la prise en compte, depuis 2008, de ces activitës dans
la dëfinition des « chercheurs produisants » des universitës,
l'attention accrue des financeurs aux retombëes technologiques
potentielles des projets dëposës par nos collègues des sciences
« dures » sont autant de signes indubitables d'une ëvolution
des attentes et des mentalitës en ce sens. Il est à s'attendre que
l'obligation de prësenter un plan sërieux de dissëmination et d'impact
s'impose plus ou moins rapidement aux projets issus des SHS, et qu'un
tel plan devienne à la fois un critère d'ëvaluation de la qualitë et un
paramètre de calcul du niveau du financement.
Or, une telle ëvolution n'est pas sans susciter des questions qui
demandent une approche vëritablement scientifique. En effet, du côtë
des ëvaluateurs – fussent-ils des pairs - la prise en compte d'un
nouveau critère suscite inëvitablement des interrogations quant à la
rëfërence par rapport à laquelle comparer ce qui leur est proposë, et
mène tout au moins à la nëcessitë de constituer des guides de
« bonnes pratiques ». D'autre part, les travaux sur la
dissëmination du savoir (« knowledge dissemination »)
montrent qu'il ne s'agit pas là d'une activitë allant de soi, que
les chercheurs sont parfois dëmunis quant à la façon de s'y prendre, et
qu'une rëflexion poussëe sur les conditions dans lesquelles et les
modalitës grâce auxquelles l'impact peut avoir lieu est nëcessaire.
Le projet IMPRESHS est issu de la volontë de participer à l'ëlaboration
de rëponses à ces questions et besoins. Il se fonde sur la certitude
que la dëmonstration de l'impact des SHS est non seulement une
obligation qu'il s'agit d'anticiper, mais aussi la vëritable clë de la
remise des ces disciplines à la place qui leur est due. Ce n'est qu'en
dëmontrant l'importance ëconomique, sociale et politique de la
recherche dans les SHS que l'on peut espërer la sortie de l'espèce de
« minorat » dans lesquelles elles sont plus ou moins
cantonnëes par de nombreux partenaires. Ainsi, tout en ëtant engagë
dans la constitution d'un savoir ëmergeant, le projet IMPRESHS possède
une dimension militante que ses porteurs revendiquent ouvertement.
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